# Prendre le temps d'en parler

Prendre le temps : une autre manière de se situer dans le monde et en thérapie.

Laurine Albertini

12/2/20253 min read

Si on prend un peu de recul sur notre époque, quelque chose frappe : nous n’avons jamais eu autant de moyens de gagner du temps et pourtant, nous avons le sentiment de n’en avoir jamais eu aussi peu. En quelques générations, la plupart de nos gestes quotidiens ont été accélérés ou délégués : transports plus rapides, appareils ménagers, services en ligne, accès immédiat à l’information… Tout semble conçu pour nous faire aller plus vite, pour « optimiser » nos journées.

Mais dans la vie de beaucoup de personnes, c’est l’inverse qui se joue : journées saturées, impression de courir en permanence, difficulté à se poser, jusqu’à ressentir que quelque chose de sa vie nous échappe, pendant qu’on se débat dans mille occupations pour rester à flot. Ce n’est pas seulement un manque d’organisation personnelle : c’est un certain rapport au temps, très marqué par notre contexte social et culturel et par des injonctions à être, faire, désirer toujours plus.

Dans ce paysage-là, prendre une heure par semaine pour parler de soi peut paraître presque superflu. On pourrait se dire : « Je n’ai pas le temps pour ça », « Ce n’est pas prioritaire ». Pourtant, c’est justement parce que tout va très vite à l’extérieur que ce geste devient précieux : créer un endroit où l’on ne vous demande pas d’aller plus vite, mais au contraire de prendre le temps d’en parler.

La psychothérapie analytique, s’inscrit dans ce contre-mouvement. Elle propose un rendez-vous où nous repartons de ce que vous vivez au jour le jour : les scènes qui se répètent, les mots qui blessent, les silences qui s’installent, les loyautés et les contradictions qui vous tirent dans des directions opposées. Tout cela peut être élaboré sans urgence d’une séance à l’autre. Ce n’est pas une « pause » décorative dans la semaine.

Au fil du travail, il ne s’agit pas seulement d’aller mieux en atténuant les symptômes, mais de travailler la manière dont vous vivez avec votre histoire et avec ce qui se présente aujourd’hui : la façon dont vous vous parlez intérieurement, dont vous vivez vos relations, la place que vous prenez auprès des autres, et la manière dont vous pensez vos choix. Ce type de transformation ne se fait pas en accéléré. Il demande de la régularité, un cadre stable, et ce temps-là, précisément, que notre époque a tendance à grignoter de partout.

Prendre le temps de parler, ce n’est pas seulement raconter sa vie, c’est transformer une expérience brute en une expérience pensable, représentable. Tant que les choses restent à l’intérieur, elles se mélangent : émotions, souvenirs, peurs, fantasmes, angoisses. Le fait de parler, dans un cadre où quelqu’un écoute vraiment, oblige à choisir des mots, à mettre de l’ordre, à tenter de donner une forme. Et c’est précisément ce travail qui fait la différence : ce qui était confus devient un peu plus différencié, un peu moins écrasant.

Puis en parlant, on ne s’adresse pas seulement à l’autre, on s’entend soi-même autrement. La parole crée une distance entre soi et ce qu’on vit : on n’est plus seulement pris dedans, on peut commencer à regarder, à interroger, à déplacer.

Dans cet espace thérapeutique que je propose, prendre le temps d’en parler n’est pas un slogan : c’est le point de départ. Je n’ai rien inventé c’est au cœur de la psychanalyse depuis ses débuts. Ici le temps ne sert pas à aller plus vite, mais à habiter autrement ce que vous vivez, à reprendre votre place dans votre propre histoire. C’est là, à mes yeux, que se joue une part essentielle du travail thérapeutique.